Le 12 mars
1993, Alain Gautier, sur Bagages Superior,
boucle le deuxième Vendée Globe de l’histoire en revenant aux Sables-d’Olonne
après 110 jours et 2 heures de mer, à la moyenne de 9,58 nœuds.
Moins de six
semaines plus tard, le 20 avril, Bruno Peyron et ses quatre équipiers, sur le
catamaran Commodore Explorer, s’offrent
le premier tour du monde en moins de quatre-vingts jours (79 jours et 6
heures), et s’adjugent le premier trophée Jules-Verne, avec une moyenne de 14,39
nœuds.
Le 27 janvier
2013, François Gabart, sur Macif,
remporte la septième édition du Vendée Globe et remonte le mythique chenal
après 78 jours et 2 heures, affichant 15,30 nœuds de moyenne sur l’eau ;
un peu plus de trois heures plus tard, Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) le rejoindra au ponton. Ils sont les deux
premiers solitaires au monde à boucler la circumnavigation en moins de
quatre-vingts jours, Alex Thomson, troisième, ratant le coche pour moins de
vingt heures.
Il n’aura
donc pas fallu vingt ans pour qu’un monocoque mené en solitaire fasse bien mieux
qu’un multicoque en équipage ! Quel sport mécanique peut se targuer d’une telle
évolution en si peu de temps ?
Quatre ans plus
tard, où en est-on ? Les architectes et les chantiers navals, les bureaux
d’études et leurs ingénieurs, les préparateurs et les marins n’ont pas chômé.
Et les bateaux ont encore évolué. Spectaculairement.
Dimanche, au
sein de la flotte des vingt-neuf 60-pieds qui largueront les amarres, sept
bateaux seront l’objet de tous les regards, de toutes les supputations, de
toutes les espérances. Sept « foilers », sept « planeurs »,
plus puissants, plus rapides encore. Mais aussi nettement plus inconfortables
pour les hommes – or la fatigue est une des composantes essentielles de ce
marathon des mers. Et plus fragiles, peut-être ?
Un foil, quèsaco ?
On ne peut
pas parler de foils sans évoquer Éric Tabarly et l’Hydroptère, longtemps tenu à
bout de bras par Alain Thébault. Même si l’histoire est largement plus ancienne
(http://hydroptere.com/fr/le-reve/l-histoire/).
Et on ne sera pas étonné de voir, à un moment ou un autre, un Jacques Vincent
(il était de l’équipage de Peyron en 1993), un Yves Parlier ou un Jean Le Cam au
sein du commando rapproché qui développera l’Hydroptère durant de longues
années, contre vents et marées.
Sur cette image
aérienne du StMichel-Virbac de Jean-Pierre
Dick « volant » au large de Belle-Île en septembre, on distingue le
foil courbe (en noir, en dessous du mât)
sur tribord. Le foil bâbord est en action, sustentant la coque et réduisant
d’autant la traînée. (Photo Yvan Zedda - StMichel-Virbac - Vendée Globe)
Les foils,
donc. Ces ailes sous-marines permettent d’extraire les coques du bateau de
l’eau à partir d’une certaine vitesse, ce qui entraîne une réduction
considérable de la traînée hydrodynamique. Les foils restent alors les seules
pièces au contact de l’eau, ce qui permet de diminuer considérablement la
traînée et d’avoir un potentiel de vitesse bien au-delà des bateaux « archimédiens »
classiques.
Le
fonctionnement des foils est simple et basé sur le même principe de portance
dynamique que celui qui permet aux ailes d’un avion de le faire décoller. Plus
la vitesse d’avancement du foil est grande, plus la portance augmente. À partir
d’une certaine vitesse, la portance générée par les foils devient supérieure au
poids du bateau et permet donc de le soulever hors de l’eau.
Coût prohibitif
Simple, sur
le papier. On vous passe la difficulté des études et des calculs de formes
possibles pour ces dérives particulières, d’une rare complexité malgré leur
apparente simplicité. Quant à la durée de la mise au point, elle explique en partie
la réticence de certains skippers à en équiper leur « vieux »
monocoque.
Et ne parlons
pas du coût prohibitif de ces plans porteurs. Il faudrait environ quatre
semaines pour confectionner l’outillage idoine, et huit semaines ensuite pour
produire le foil, en carbone. Selon Voiles
et Voiliers, une paire coûte quelque 100 000 euros à réaliser. Glups...
Le double d’une dérive droite classique. Ce qui est déjà loin d’être donné.
Quant à transformer
un 60-pieds pour l’équiper de foils, comme l’a fait Jérémie Beyou avec son Maître CoQ, cela reviendrait à 500 000 euros.
C’est qu’il faut aussi entièrement repenser et reconfigurer le puits de dérive
(qui permet au foil de rentrer dans la coque ou d’en sortir plus ou moins,
selon les allures). Et revoir aussi toute la structure du monocoque. Car le
voilier, plus rapide, ne subit plus les mêmes contraintes que celles pour lesquelles
il a été conçu. Notamment lors des chocs dans les vagues, plus violents du fait
de la vitesse accrue. Il faut donc renforcer la bête. Et veiller à la
protection du skipper.
Casque de rugbyman
Tous ceux qui
naviguent sur les nouveaux « foilers » le disent, c’est chaud ! Bien
plus qu’avant. Jean-Pierre Dick a embarqué un casque de rugbyman, Sébastien
Josse a prévu des coudières et des genouillères... On multiplie les
mains-courantes, les protections... Sans parler de l’insupportable sifflement,
permanent, généré par les foils à partir d’une certaine vitesse, avec une coque
de carbone qui ne demande qu’à faire résonance. Or le casque antibruit n’est
pas une solution, car le skipper perd alors toute notion des autres sons émis
par le bateau, donc sa « vie » propre.
Morgan Lagravière
du côté de l’île de Groix, en avril. Safran
est bâbord amure (voir le lexique), un
foil nettement visible hors de l’eau. (Photo
Jean-Marie Liot – DPPI - Vendée Globe)
En fait, nul
ne sait encore vraiment où positionner le curseur de ces coursiers pour la
durée d’un tour du monde. Et qui souffrira le plus, l’homme ou la machine. Même
en faisant abstraction d’une aléatoire rencontre avec un animal marin, un growler [voir lexique] ou un objet
flottant non identifié (OFNI), bille de bois, conteneur à demi immergé... – Vincent
Riou en avait fait l’amère expérience il y a quatre ans. Et fin août, le
Britannique Alex Thomson a cassé un de ses foils par seulement 20 nœuds de
vent, sur mer plate. Bien loin de ce qu’il affrontera dans l’océan Indien.
Bref, l’équation
est à sept inconnues. Six, si on retire de la liste des IMOCA équipés de foils
celui du Néerlandais Pieter Heerema, pas en lice pour le podium. On peut
comprendre le choix de Vincent Riou : s’appuyer sur un 60-pieds éprouvé,
fiabilisé, optimisé, qu’il connaît sur le bout des doigts.
Réponse fin
janvier, après plus de 20 000 milles de test grandeur nature.
Quelques petites questions toute bêtes... les foils font quelle dimension ? Sont-ils démontables, rétractables ? Les bateaux avec foils sont-ils toujours pourvus de 2 dérives ?
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