3 novembre 2016

Au village, sans prétention…

À pied d’œuvre. Les Sables-d’Olonne, nous voilà ! Au cœur de l’événement. Enfin presque, parce que les pontons du Vendée Globe, ça se mérite.
Pour le visiteur lambda – ils étaient trois cent mille la première semaine, plus de trois cent quatre-vingt mille la deuxième, le village de Port-Olona ayant ouvert le samedi 15 octobre  –, il n’y a pas beaucoup le choix : le chemin est parfaitement balisé. Trop ? On peut parfois se le demander, car Vigipirate est venu se greffer au gigantisme d’une manifestation qui, à chaque nouvelle édition, prend de plus en plus d’ampleur.


Le public n'a pas toujours la chance de voir un skipper sur son bateau. Jean-Pierre Dick, très sollicité hier, n'en a pas perdu le sourire pour autant. (Photo CTG)


Malheur à qui se présente à l’entrée d’un village aujourd’hui encadré, « palissadé », gardienné, quasi isolé du reste du monde, avec dans son sac à dos  – entre l’appareil photo et le supplément du journal local affichant les photos des skippers et un cadre vierge « spécial dédicace » – le moindre canif ! Refoulé comme un pékin au portique de sécurité d’un aéroport. Et dire qu’il y a huit ans, ce même village avait ouvert ses portes aux marchands du temple, l’un d’eux  – on se demande encore ce qu’il faisait là  – proposant au chaland des sabres japonais made in China ! Mauvais goût garanti.
Patte blanche, donc. La « jungle » de Calais était autrement poreuse…
Vagues serrées
Pour autant, une fois avoir pénétré dans le saint des saints, rien n’est encore acquis. Car, passage obligé, le ponton course auquel sont amarrés les vingt-neuf monocoques, à quelques encablures, va encore se faire désirer longtemps. Un soleil printanier, les vacances scolaires, pas loin de quatre cent mille personnes en une semaine, un village ouvert dix heures par jour… Vite, ma calculette ! Ah oui, quand même, on n’est pas loin des cent personnes à la minute. Ceci explique cela.


Le selfie est à la mode. Le Dunkerquois Thomas Ruyant s'y prête toujours de bonne grâce. (Ph. CTG)

Bref, ça déferle en vagues serrées, avec l’impression prégnante qu’il y a toujours plus de flux que de reflux. La mamie claudiquant le dispute au bambin pleurnichant ; le plaisancier en grande tenue distille ses avis éclairés à l’intention d’un ami inculte ; le haut talon incongru voisine avec la Dockside éculée. Étonnant melting-pot, que seul ce rendez-vous peut générer.
Néanmoins, la bousculade est bon enfant, l’humeur décontractée, l’admiration permanente, la curiosité inévitable. Et l’on se délecte de réflexions insolites, naïves, saugrenues, qui alimenteraient à l’envi de réjouissantes brèves de comptoir du Café de la Marine !

Toucher au Graal

Le Français est râleur ? La preuve, moi. Mea culpa. Car on a beau se plaindre, ici, au moins, on est SUR les pontons. À Saint-Malo, autre bastion de la course au large en solitaire, pas question d’aller voir de près les bateaux de la Route du Rhum. Au Havre, où ils reviennent tous les deux ans seulement, pas question de franchir les barrières qui ceignent le bassin Paul-Vatine. On regarde de loin, mais pas touche. Enfin, quand on n’a pas la chance d’arborer autour du cou le précieux sésame qui abolit tous les contrôles. LE « pass ». Graal absolu.



Soudain, nanti de ce rectangle de papier, fort d’un privilège interdit au vulgum pecus, voilà-t’y pas qu’on le prend de haut, en lévitation au-dessus du commun, l’œil dédaigneux et la lippe suffisante ! Une vraie bimbo décervelée invitée en backstage à faire un selfie avec son idôôôôôleu… Et encore, je vous dis pas, quand l’« accrédité » a décroché, après moult négociations qu’un souk marocain ne renierait pas, un embarquement pour le départ !
S’il y a une date de l’histoire de France qui me fait doucement rigoler, c’est bien la nuit du 4 août 1789. Vous avez dit « abolition des privilèges » ? Que nenni, vil manant, que nenni !

P.-S. Il me revient soudain à l’esprit que le Privilège fut le navire amiral du chantier naval Jeantot Marine de Philippe Jeantot, le fondateur du… Vendée Globe !

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