4 novembre 2016

Les dents de la mer

« Je ne te fais pas la bise, je suis un peu enrhubé. » Ma voisine est payée d’un petit sourire contrit, et il ne me serrera pas plus la main. C’est qu’il sait de quoi il parle, le Doc ! Principe de précaution.
(Photo CTG)
Avec cinquante à soixante mille visiteurs par jour au village du Vendée Globe, on n’imagine même pas le nombre de virus, microbes et autres bactéries qui se baladent impunément en toute liberté. Tiens, là, juste sous mes doigts, par exemple… Selon plusieurs études, au palmarès des nids à microbes, le téléphone tiendrait la tête devant le bureau, le robinet d’eau courante, la télécommande, la porte du four à micro-ondes et le clavier d’ordinateur — liste non exhaustive, palmarès et classement évolutifs…. Surprise, la cuvette des toilettes présentait même dans certains cas une moins importante concentration bactérienne des surfaces étudiées !
Jean-Yves Chauve (Photo CTG)
Alors, la bise, le docteur Jean-Yves Chauve  entre autres médecin du Vendée Globe depuis le début, en 1989 —, avec son nez enchifrené, il évite. Et il n’est pas le seul. Nombre de skippers évitent les embrassades et les serrages de paluches pour ne pas attraper de virus. Yann Eliès, par exemple, se frictionne les mains plusieurs fois par jour avec une solution hydroalcoolique. Prudence est mère de sûreté.
Nul n’a oublié les déboires de Bernard Stamm, terrassé par une gastro-entérite en début de course il y a quatre ans. Pas franchement la meilleure façon d’entrer dans le match, alors que les petits camarades — dont certains sont sujets, par nature, à un mal de mer carabiné les premiers jours — en profitent pour filer bon plein. En passagère clandestine, la « gastro » n’est pas franchement bienvenue à bord…
Jean Le Cam, lui, est passé chez un dentiste de La Chaume lundi pour se faire extraire une dent qui le turlupinait un peu. Même s’il a (déjà) comme point commun avec lui d’avoir chaviré au cap Horn, pas question d’imiter Guy Bernardin, contraint à l’abandon en 1989 en raison d’une rage de dents à mi-parcours, au large de la Tasmanie.
Guy Bernardin (Photo CTG)
Roland Jourdain avait eu plus de « chance », lui : il a fait demi-tour la première nuit, réveillant un dentiste olonnais pour soigner une ratiche abîmée dans une manœuvre, avant de repartir à 5 heures du matin.
La mer est, comme le rappelle Jean-Yves Chauve, un milieu relativement stérile, où les bactéries n’ont pas grand-chose à se mettre… sous la dent. Et comme les solitaires ne côtoient personne pendant trois mois, ils sont plutôt à l’abri de la contagion. C’est déjà ça, non ?
Y a pas, le dicton a du bon. Même dans d’autres domaines que la navigation, « en mer, le plus grand danger, c’est la terre ».

1 commentaire:

  1. N'hésitez pas à laisser des commentaires !
    Le Captain

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