5 novembre 2016

La règle du jeu n’est pas si simple

« Un homme, un bateau, l’océan. » La devise originale de « Blondie » Hasler, fondateur de l’OSTAR, la première Transat anglaise, a été mise à toutes les sauces depuis 1960 et la victoire de Francis Chichester. Aujourd’hui, ce qui fait rêver, c’est « en solitaire, sans escale et sans assistance ». Or on a tout entendu à ce sujet ! Il est temps de se pencher sur le règlement.

En solitaire

Oubliez tout de suite le film (En solitaire) de Christophe Offenstein, qui fête ce 6 novembre le troisième anniversaire de sa sortie. Pour avoir joué au figurant très très très anonyme au bout de la jetée des Sables-d’Olonne lors du tournage, j’aurai bien l’occasion d’en reparler d’ici à l’arrivée.
François Cluzet en Yann Kermadec bouclant le grand tour avec un passager clandestin à bord, c’était gentillet. Mais difficilement crédible, non ? D’accord, entre Calais et Douvres, avec quelques Afghans, ça passe… mais là…
Donc c’est en solitaire. Tout seul comme un grand, puisqu’il n’y a hélas pas de grande cette année. Après avoir subi avec succès les épreuves de qualification — bonhomme ET bateau. Ça, tout le monde comprend.

Sans escale

Sans escale, ça a l’air simple aussi. Qu’on ne s’y trompe pas, cependant, il y a quelques finesses au regard du grand livre des Instructions de course.
D’abord, sans escale, je rigole. Le solitaire peut faire escale ! Et toc. Aux Sables-d’Olonne. Uniquement. Pendant dix jours après que le départ a été donné, soit jusqu’au 16 novembre à 13 h 2. Après, on « ferme la ligne ». Circulez, y a plus rien à voir.

L’histoire de la course regorge d’anecdotes sur ces retours imprévus, le plus célèbre étant celui de Michel Desjoyeaux [photo ci-dessus] en 2008, qui reprend la mer avec un handicap de quarante et une heures — près de deux jours, un gouffre ! Il l’emportera avec cinq jours d’avance. Et la dernière fois, c’est Bertrand de Broc [photo ci-dessous] qui faisait demi-tour, frappé au flanc par un bateau accompagnateur, un quart d’heure avant de prendre son envol. Un cataplasme de carbone plus tard, il cinglait de nouveau vers la haute mer.

Sans assistance

Donc on peut faire escale. On peut aussi s’amarrer à une bouée, mouiller l’ancre, et même s’échouer. Là, ça se complique, car il faut le faire jusqu’à ce que l’on nomme « la limite supérieure de l’estran ». Soit, pour les géographes, la portion de « terre » comprise entre les plus hautes et les plus basses mers [en vert sur les captures d’écran ci-dessous]. Le commun des mortels, l’été, appelle ça une plage. Inutile de préciser que la topographie entre sérieusement en ligne de compte ! Tout comme le coefficient de marée.


Personne n’a oublié le fabuleux exploit d’Yves Parlier lors du Vendée Globe 2000-2001, mouillant à Pegasus Bay, sur l’île Stewart, au sud de la Nouvelle-Zélande, pour manchonner son mât brisé. À deux pas de là, pendant plusieurs jours, un reporter et un photographe ne perdent pas une miette du spectacle, qu’ils immortalisent. Et laissent « l’Extraterrestre » aquitain se démm… seul. En solitaire, on a dit. Sans assistance. Parlier se classera treizième sur quinze.
L’affaire s’est moins bien terminée pour Bernard Stamm il y a quatre ans. Sa halte (licite) dans l’archipel d’Auckland pour réparer des hydrogénérateurs depuis longtemps capricieux sera fatale. Son Cheminées Poujoulat chasse avec la marée, un bateau russe est à quelques encablures, un marin saute à bord donner un coup de main non sollicité. Le Suisse sera déclassé.
Sans assistance, on a dit.
[À suivre : « Et si on pouvait tricher ? »]

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